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Meta dans le viseur : l’offensive judiciaire de Lotfi Bel Hadj secoue l’ordre numérique mondial

Lotfi Bel Hadj mène une bataille judiciaire inédite contre Meta aux États-Unis, en France et en Tunisie. Derrière cette affaire : un enjeu majeur de souveraineté numérique pour l’Afrique.

ParChristian Luwawa
Publié le
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Lotfi Bel Hadj

Lotfi Bel Hadj

Lotfi Bel Hadj, entrepreneur franco-tunisien, engage un bras de fer sans précédent contre Meta sur trois continents. C’est la première fois qu’un acteur africain du numérique défie juridiquement un géant technologique à cette échelle. L’enjeu dépasse son cas personnel : il s’agit de mettre à nu les logiques hégémoniques des GAFAM face aux initiatives africaines.

Une opération numérique expéditive en 2020 : le « massacre de Carthage »

En juin 2020, Meta désintègre plus de 900 entités digitales liées à UReputation, la société fondée par Bel Hadj. En quelques heures, pages, groupes, comptes Instagram – fruit de plusieurs années d’influence digitale – disparaissent, sans avertissement ni recours possible.

Cette purge s’appuie sur un rapport du think tank Atlantic Council, intitulé « Operation Carthage », allusion explicite à l’écrasement d’une cité africaine par l’Empire romain. Rédigé par Andy Carvin et Frederik Kempe, le document accuse UReputation de « comportements inauthentiques coordonnés », un jargon devenu le prétexte récurrent pour neutraliser les voix extra-occidentales dans l’arène numérique.

Trois fronts judiciaires pour une même vérité

Face à ce qu’il considère comme une agression algorithmique, Bel Hadj déploie une stratégie judiciaire offensive :

  • En Géorgie (États-Unis) : une plainte majeure vise à contraindre Meta à produire l’intégralité des documents ayant motivé ses décisions. Le dossier, mené par l’avocat Daniel Delnero, frappe au cœur du modèle opaque de Meta.

  • En Tunisie : le tribunal de première instance est saisi, contraignant Meta à comparaître devant une juridiction africaine – une première historique qui pourrait inspirer d’autres États à faire valoir leur souveraineté numérique.

  • En France : via l’avocat Jean-Baptiste Soufron, la CNIL est saisie pour violation du RGPD, ajoutant une couche européenne à cette bataille juridico-technique inédite.

Deux poids, deux mesures : l’hypocrisie algorithmique mise à nu

Le cas révèle une inégalité flagrante : lorsque Donald Trump est suspendu, Meta tente une régulation encadrée, ouvre le débat, propose des réparations. En revanche, les acteurs numériques africains – qu’ils soient en Éthiopie, au Nigeria ou en RDC – voient leurs actifs supprimés sans explication, dans une opacité totale, et sans voie de recours.

Pour Bel Hadj, le temps du silence est révolu :
« L’Afrique ne quémande pas, elle exige sa part de justice numérique », déclare-t-il.

Une secousse continentale

L’affaire surgit alors que l’Union africaine avance sur un cadre juridique commun pour la protection des données. L’offensive de Bel Hadj donne du souffle à cette dynamique : elle prouve que les GAFAM peuvent être confrontés à une justice plurinationale.

Une position inédite pour l’Afrique digitale

Pour la première fois, un entrepreneur africain transforme une atteinte personnelle en combat collectif. Il brise l’image d’un continent passif face aux décisions unilatérales de la Silicon Valley. Ce procès, c’est aussi une affirmation : l’Afrique n’est pas un vide juridique pour les plateformes mondialisées.

Un combat fondateur

Qu’on adhère ou non à ses méthodes dans l’univers de la communication digitale, le courage de Lotfi Bel Hadj dans cette procédure est indiscutable. En s’attaquant simultanément à Meta aux États-Unis, en Europe et en Afrique, il ouvre une brèche dans l’impunité algorithmique.

Il pose une question essentielle : qui définit ce qui est légitime dans l’espace numérique global ? Pourquoi ce pouvoir devrait-il rester entre les mains d’un cercle restreint d’entreprises californiennes ?

Un précédent qui pourrait tout changer

Le verdict des cours concernées est désormais scruté bien au-delà du cercle des initiés. Car derrière ce procès, c’est la souveraineté numérique africaine qui se joue. Et peut-être, à plus long terme, l’équilibre même du pouvoir dans l’économie digitale mondiale.

Christian Luwawa

Correspondant pour plusieurs titres à Kinshasa. Couvre les enjeux sécuritaires à l’est de la RDC et les dynamiques régionales des Grands Lacs.